Valentine Delaveau : « Le sport se charge de vous remettre les pieds sur terre »
Valentine Delaveau : Avant tout, c’est la ponette de ma vie ! Je l’ai eu en 2013 puis je l’ai gardé sous ma selle 7 ans. Nos débuts n’ont pas été simples car elle a beaucoup de force et j’étais vraiment toute petite dessus ! Nous avons commencé sur des Poney 1 avant de débuter les As l’année suivante. En septembre 2014, nous avons concouru notre première As Poney Elite au Pin le Haras que nous avons d’ailleurs gagnée ! Puis, nous voilà lancées sur les Grands Prix. En 2015, nous avons vraiment commencé à mettre un pied dans le haut niveau en étant prises pour l’As Poney Elite du Jumping International de Bordeaux où les cavaliers sont sélectionnés par la FFE. Olivier Bost nous y a repéré puisque nous terminions deuxième du Grand Prix. Il envisageait de compter sur nous pour d’importantes échéances si nous étions aptes. Alors, en juin, nous avons pris la route de notre premier CSIOP à Wierden, aux Pays-Bas, où j’étais sans-faute dans le Grand Prix. J’étais très fière car j’étais encore petite ! Je me disais : « quelle classe d’aller faire les concours où nous portons les tapis de l’équipe de France » (rire !). J’ai tout de même préféré faire l’As Poney Elite au championnat de France et non l’Excellence ! Je souhaitais vraiment prendre le temps puisque la saison suivante, j’ai voulu me fixer un gros objectif : les championnats d’Europe. Alors, nous nous sommes vraiment concentrées là-dessus pour réaliser des parcours constructifs. Nous avons été retenues pour les Championnats d’Europe en 2017.
V.D. : Nous avons pris la longue route jusqu’en Hongrie pour rejoindre Kaposvár où se déroulaient les championnats d’Europe ! Ça me paraissait l’autre bout du monde mais ça a été une expérience très sympa ! Mon père n’était pas présent mais j’étais coachée par Claude Castex qui était, et est toujours mon entraineur. Il avait deux autres cavaliers de l’équipe, Charlotte Lebas et Léo-Pol Pozzo, je me sentais vraiment dans un cocon. Je retiens quand même de la déception car nous avions une très bonne équipe composée de Camille Favrot/Uhelem de Seille, Charlotte Lebas/Quabar des Monceaux et Léo Pol Pozzo/Shamrock du Gîte. Jade Fleur Calaque était aussi présente en individuel avec Ghost Rider donc nous avions vraiment tous notre place avec de très bons piliers. Nous étions déçus de terminer 4e par équipe, la médaille en chocolat ce n’est jamais très agréable car nos poneys étaient incroyables. Mais, on ne peut pas réussir du premier coup un championnat d’une telle envergure. C’est en faisant qu’on prend de l’expérience et qu’on performe ! Ça m’a surtout appris à gérer la pression car elle est présente du début jusqu’à la fin.
V.D. : Il faut savoir qu’en fin 2016, Vilvaldi d’Euskadi m’a rejoint. J’avais donc en parallèle les poneys avec de gros objectifs puis mon cheval. Je souhaitais prendre mon temps avec lui, qu’on apprenne à se connaître sans pression. Je pense que c’est une très bonne chose de monter à cheval tout en étant aussi à poney. L’équitation à cheval est plus posée et précise. Les poneys ont bien plus de cœur à aller de l’autre côté de l’obstacle même si nous commettons une erreur. Je pense qu’avoir fait les deux en parallèle m’a vraiment permis d’avoir ces si bons résultats avec Si Jolly. Grace à ça, j’ai pu enchainer l’année 2018 chez les Juniors qui s’est très bien passée, du moins, jusqu’en juin… Nous sommes pris pour les championnats d’Europe à Fontainebleau, en France, chez nous : le rêve. Quelques semaines précédant l’échéance, nous sommes allés faire sauter les chevaux au Grand Parquet, tout s’est passé pour le mieux. Le lendemain, je pars pour un CSI 2* au Mans où j’avais deux chevaux. Drame : je me casse la clavicule. J’étais dans tous mes états ! J’aurai vraiment souhaité aller soutenir mes coéquipiers mais je ne me sentais vraiment pas bien. Une fois remise, j’ai essayé de retenter ma chance la saison suivante qui avait bien débuté avec Vilvaldi d’Euskadi. Mais, en avril, il est tombé malade. À ce moment-là, je participais au CSI U25 de Fontainebleau avec mon autre Vivaldi, Vivaldi des Forêts, qui a été très démonstratif ! Nous avons essayé de jouer la carte des championnats d’Europe ensemble mais nous n’étions pas assez prêts, nous ne nous connaissions pas encore assez. Il faut savoir le dire : j’ai préféré y renoncer.
V.D. : Petite anecdote ! J’étais au CSI 2* de l’Hubside Jumping à Saint-Tropez. Le dimanche, je faisais le Grand Prix avec Vivaldi des Forêts où je réalise un bon parcours. Me voilà rentrée au box, je m’occupe de mon cheval puis pars avec mon groom préparer la ration des chevaux. Je vois Emmanuèle Perron-Pette (Emmanuèle et Armand Perron-Pette, propriétaires des chevaux de Patrice Delaveau, ndlr) qui m’attendait devant les boxes et me dit « Valentine, viens je dois te parler ». J’étais assez surprise puis voilà qu’elle me demande : « Est-ce que ça te dirait de monter Ayade ? Ça me ferait très plaisir de la voir sous ta selle, tu sais que c’est notre princesse, notre poupée ». Évidemment, j’ai sauté au plafond et lui ai fait un câlin. Le mardi soir, nous avons fait notre première séance ensemble en effectuant quelques sauts. Avant, je la voyais tout le temps avec Kevin mais je ne me suis jamais projetée. Suite à ça, je suis allée sur Youtube et j’ai visionné tous ses parcours, je n’en ai loupé aucun ! (rire !). C’est là que je me suis rendue compte de cette chance que j’avais de monter une telle jument ! Un énorme merci à la famille Perron-Pette pour l’opportunité offerte ! En voyant toutes les retombés médiatiques, j’ai eu un peu de pression. Mais finalement, je l’ai toujours eu avec le nom de mon père. Ensemble, nous faisons de bons parcours. J’ai donc Ayade, en plus de Vivaldi des Forêts, pour aller faire du haut niveau. D’ailleurs, Serge Varsano a investi dans mon cheval Vivaldi afin de me le laisser sous ma selle durant la saison 2020, je le remercie grandement. Je garde toujours cet objectif de progresser un maximum. Dans la région, les nationaux ou les CSI 2 ou 3* sont des concours difficiles puisque nos concurrents sont des Pénélope Leprevost, Julien Epaillard, Geoffroy de Coligny, Edward Lévy, etc. Il est très dur d’aller chercher le classement. Faire ces concours-là me poussent à réussir. Avec la situation actuelle, je ne peux pas me prononcer sur les championnats d’Europe même si j’aimerai bien continuer en équipe de France.
Poney As : Installée au Haras de la Forge, que ressent-on lorsque l’on est chaque jour dans une écurie de 5* ?
V.D. : Lorsque le Haras a accueilli son équipe et les chevaux, il y avait Kevin Staut, Franck Schillewaert et mon père. J’étais entourée de professionnels. Même si Kevin n’était pas souvent là, j’arrivais à le voir à cheval et être sur la carrière en même temps que lui. Lorsqu’il faisait sauter Rêveur de Hurtebise*HDC, Silvana*HDC ou encore Ayade, c’était des moments très fort. Aujourd’hui, je monte en même temps que mon père. Il est toujours là pour m’aider et me conseiller. C’est une chance énorme d’avoir un père professionnel comme il est. Je connais également tous les cavaliers de France car ils me connaissent depuis que je suis née pour la plupart alors pouvoir parler avec eux, c’est génial !
V.D. : En semaine, les académiciens et moi terminons les cours à 15h30 donc nous allons monter nos chevaux. Les miens sont restés au Haras de la Forge qui est à cinq minutes du Pôle International de Deauville. En revanche, dès qu’il y a des interventions ou des séances d’obstacles avec Claude Castex, je mets mes chevaux dans le petit camion. Lors des séances de sport, de média training ou de coaching mental, je m’y déplace également. Concernant les concours, je ne les suis pas partout même s’il est possible qu’on ait des nationaux en commun. Dernièrement, j’ai plutôt privilégié les CSI 3* avec mon père car ce sont des concours qui me permettent de prendre de l’expérience. Si nous avons l’opportunité de faire les mêmes compétitions comme les étapes du Grand National, nous le faisons bien sûr !
V.D. : Honnêtement, ça a été un stress de dingue ! Les cavaliers de l’équipe de France étaient dans le même hôtel. Je ne souhaitais pas déranger mon père puisque c’était l’un des événements de sa vie. Alors, chaque jour avec Edward Levy nous nous rendions au stade Michel-d’Ornano à Caen. Je ne suis pas allée à l’école de la semaine, ça, ce n’était pas très bien (rire !). J’avais la chance de marcher les reconnaissances mais sans déranger les cavaliers ! Lorsqu’on est au paddock puis qu’on se dirige vers la piste en entendant d’aussi loin tout un stade crier « PATRICE PATRICE PATRICE »… Rien qu’en le racontant, j’en ai des frissons ! Ma mère n’arrivait même pas à aller jusqu’à la piste. Elle se mettait dans la buvette qui était derrière les boxes face à l’écran qui avait un léger retard. Elle savait donc avant de voir le résultat final que tout s’était bien passé en entendant le public d’aussi loin ! Lorsque je regarde encore le parcours de chaque français, j’en ai les larmes aux yeux. Ils ont donc décroché la médaille d’argent par équipe.
Pour définir le résultat individuel, il y a une tournante. Les quatre meilleurs cavaliers échangent leurs chevaux et effectuent un parcours. Le jour de la finale, j’ai regardé mon père monter tranquillement Orient Express*HDC le matin. Nous sommes ensuite allés à l’hôtel avec mes parents, Philippe Guerdat, ancien sélectionneur tricolore, Edward et moi. Philippe nous a montré les parcours de chacun des chevaux présents lors de la tournante : Zenith SFN (Jeroen Dubbeldam), Cortes C (Beezie Madden) et Casall Ask (Rolf-Göran Bengtsson). Ce instant m’avait marqué car je sentais vraiment Philippe et mon père stressés à l’approche de ce moment. Voilà l’heure de la finale ! C’était intéressant de voir mon père sur d’autres chevaux. Ce sont tout de même les Jeux équestres Mondiaux, il a fait cinq sauts avec chacun d’eux et est allé en piste tout en sortant le sans-faute ! C’est une très chouette épreuve mais c’est vrai qu’elle sollicite énormément les chevaux. Pour les trois premiers ayant une médaille, c’est génial. Mais, pour le quatrième cavalier qui a supporté toute la pression et bouclé autant de parcours, c’est très dur. Il doit sortir pendant que les autres se font récompenser… Je n’ai jamais été aussi triste pour un cavalier ! J’ai toujours cette image en tête : voir Rolf-Göran Bengtsson sortir du stade en pleurs avec sa groom et son cheval ! Mon père a donc remporté l’argent. Il est aimé du public français, c’est un grand homme de cheval. Il a toujours vécu en Normandie alors ces Jeux Équestres Mondiaux, ici, chez nous, il en rêvait ! C’est d’ailleurs un beau remerciement à la région qui a tout mis en œuvre pour le bien-être, le confort des chevaux et de leurs cavaliers ainsi que le sport.