Jessica Mendoza : « Tixylix m’a véritablement lancée dans ma carrière équestre »

Comment vas-tu aujourd’hui Jessica ?
Très bien. Bonne journée jusqu’à présent pour moi à La Baule donc super heureuse !
Pourrais-tu te présenter en quelques mots à nos jeunes et moins jeunes lecteurs français ?
Je suis Jessica Mendoza. Mon nom de famille vient, je crois, d’Argentine (mon père en sait sûrement plus que moi !), mais c’était il y a très très longtemps et personne dans la famille ne parle espagnol. Je suis une cavalière britannique de 29 ans, mais je suis basée aux États-Unis, en Floride, où je vis, tourne en concours et gère mes affaires. Je suis venue pour trois ou quatre mois en Europe pour participer à d’autres concours, avec six de mes clientes américaines qui m’accompagnent et que j’entraîne et coache dans des compétitions, de moindre niveau.
Parle-nous de ton parcours équestre qui t’a conduite jusqu’ici, au CSIO de La Baule ?
J’ai d’abord eu une grande carrière à poney. Mes parents m’ont mise sur un poney quand j’étais toute petite (tellement petite que je ne me souviens pas de l’âge exact) et j’avais des poneys incroyables. J’ai commencé très jeune et à partir des poneys, je suis passée en juniors et des juniors, en seniors. Eh oui, nous y voilà aujourd’hui ! Donc une histoire déjà longue avec les chevaux. Mes parents étaient cavaliers, mais pas professionnels : ils avaient des chevaux et ils m’ont aidée avec les poneys. Mon père m’entraînait et ma mère gérait l’équipe et tout le fonctionnement. C’était donc une affaire de famille. Ils habitent là où j’ai grandi, dans le Wiltshire, à environ une heure et demie de Londres.

Quelles sont tes meilleurs résultats et tes meilleurs souvenirs à poney ?
Mes meilleures performances à poney sont la médaille d’or par équipes et la médaille de bronze en individuel aux championnats d’Europe de Jaszkowo en Pologne en 2011 ainsi que la médaille d’or par équipes aux championnats d’Europe de Fontainebleau en 2012 – tout ça avec Tixylix, une super ponette qui m’a véritablement lancée dans ma carrière équestre et a joué un grand rôle dans ce que je suis devenue comme athlète.
Justement, qu’est-ce que t’a apporté cette expérience de la compétition au plus haut niveau à poney ?
Tixylix était incroyable. C’était en fait une grande ponette qui se montait comme un cheval (Tixylix était en effet une jument KWPN de taille poney, née… en Indonésie !, ndlr), ce qui aide beaucoup pour passer à cheval. Elle a été très performante avec moi ainsi qu’avec d’autres cavalières avant et après moi (la crack a en effet été double championne d’Europe en 2007 avec Zoe Adams puis championne d’Europe par équipes et vice-championne individuelle en 2015 avec Jodie Hall Mcateer et enfin vice-championne d’Europe par équipes en 2017 avec Eleanor Hall Mcateer, ndlr). Cela m’a donné l’expérience de monter sur de grandes pistes avec toute la confiance que Tixylix m’a donnée.
Je t’ai vue tout à l’heure discuter avec Millie Allen (qui a été, à poney, double championne d’Europe en 2012 puis double vice-championne d’Europe l’année d’après avec Song Girl). Parlez-vous parfois ensemble de vos années à poney, quinze ans plus tard ?
Oui oui, de temps en temps nous les évoquons. J’ai une très vieille photo de nous dans une équipe de poneys B. C’est très sympa de nous retrouver sur de gros concours comme celui de La Baule.

À ton époque, c’était Katrina Moore qui était la cheffe d’équipe britannique de CSO Poney. Que penses-tu d’elle, de ce qu’elle a accompli et comment t’a-t-elle aidée ?
Elle est super. Mais c’est une dure à cuire. Elle n’a pas été facile avec nous, mais d’une très bonne manière. Avec elle, si on ne fait pas assez bien, on n’est pas dans l’équipe, point.
Penses-tu que tu aurais eu la même carrière à cheval, jusqu’à présent, sans être passée par la case haut niveau poney ?
Je ne crois pas. Je veux dire, on ne sait jamais, mais je pense que j’ai pris beaucoup d’expérience à poney, ai appris à aller vite, à courir des Coupes des nations… Alors quand je suis passée à cheval, ça n’a pas fait de grande différence.
Quels ont été les ingrédients de la recette de ton succès ?
Je pense que mes parents ont été d’un grand soutien et m’ont beaucoup appris. D’ailleurs mon père est à La Baule aujourd’hui et ma mère était auprès de moi la semaine dernière ; ils adorent venir du Royaume-Uni me voir concourir en Europe : ils sont donc super contents que je me rende plusieurs mois par an en Europe pour les compétitions.
Revenons à Tixylix. Que penses-tu vraiment d’elle ?
Elle était géniale. En épreuves chevaux, elle aurait été tout autant performante. Elle était ultra respectueuse, très rapide et m’a offert tellement de victoires et de souvenirs…

Un an plus tard, à Fontaineableau, Jessica et Tixylix ont de nouveau été sacrées championnes d’Europe par équipes. En individuel, elles étaient 5e ex aequo – ph. Poney As
As-tu déjà eu ou as-tu aujourd’hui des chevaux de sa qualité ?
Je crois, oui. Je pense à Spirit T, que j’ai eu peu de temps après elle (avec lequel Jessica est devenue la plus jeune cavalière britannique depuis 40 ans à faire partie d’une équipe olympique puisqu’elle a été réserviste pour les JO de Rio en 2016, année où elle a obtenu la médaille d’argent par équipes lors de la finale de la Coupe des nations de Barcelone, ndlr). Et il y a aussi In the Air, la jument avec laquelle j’ai couru la Coupe des nations ici à La Baule (0+8, ndlr). Son frère utérin Summerhouse pourrait bien se montrer de la même trempe également.
Que faut-il rechercher comme qualités chez les poneys de sport selon toi ?
Je pense qu’il faut qu’ils soient courageux pour être montés par des enfants et vouloir naturellement faire le job et être sans faute ; et bien sûr être athlétiques pour affronter les difficultés des gros tours.
Que réponds-tu aux éleveurs qui prétendent qu’un poney est un poney et qu’il ne faut pas le dénaturer avec des croisements entre poneys et chevaux voire que les purs chevaux de petite taille ne devraient pas avoir le droit de concourir en épreuves poney et qu’ils ne sont d’ailleurs pas adaptés au niveau d’équitation des enfants ?
(Malgré la répétition de la question, Jessica ne la comprend pas vraiment…, à l’évidence trop éloignée de ces préoccupations, ndlr).
Je pense que cheval ou poney, s’il veut faire le job, c’est tout ce qui compte. Je pense que, quel qu’il soit, il vous fera savoir s’il ne le veut pas.
Que peut-on te souhaiter pour la suite ? Quel est ton rêve ?
J’adorerais reprendre part à des championnats par équipes et gagner un Grand Prix cinq étoiles !

As-tu des chances de participer au championnat d’Europe de la Corogne dans quelques semaines ?
Je pense que ma jument et moi sommes toujours dans la course à la sélection et qu’il y a encore un bon bout de chemin à parcourir jusque-là.
As-tu des passe-temps en dehors des chevaux ?
Oui, je peins. En fait, je n’ai plus trop le temps en ce moment, mais j’ai peint des animaux et fait de l’art abstrait. J’ai vendu mes œuvres pendant un moment, mais je suis un peu trop occupée en ce moment avec l’entraînement de mes élèves… je reprendrai quand j’aurai davantage de temps.
Dernière question : est-ce difficile, selon toi, pour une femme aujourd’hui de mener de front une carrière de cavalière de haut niveau, une vie personnelle épanouie et une vie de mère de famille ?
Je n’ai jamais été mère pour le moment donc je ne veux pas parler au nom des mamans, mais je me considère comme une personne épanouie et égale à mes homologues masculins. Pour moi, un compétiteur, homme ou femme, est un compétiteur. Je peux faire la même chose, si ce n’est plus, que n’importe qui d’autre !
Propos recueillis par Guillaume Levesque