Retour à la liste d'articles Article du 10/03/2021
CSO

Adélaïde Alexandre : cavalière vétérinaire (3/4)


Il y a presque 5 ans, à travers notre magazine (la quatrième édition), un long-format était dédié au parcours d’Adélaïde Alexandre. Passionnée par les chevaux, l’ancienne cavalière du circuit Grand Prix Poney avait pour rêve, petite fille, de devenir vétérinaire. Objectif atteint ! Rétrospective de cet article cette semaine, sous forme d’interview en quatre volets. Nous continuons aujourd’hui les questions-réponses sur le métier de vétérinaire et la formation qui en découle.

Dr Adélaïde Alexandre - ph. coll. privée
Dr Adélaïde Alexandre – ph. coll. privée

Poney As : Souhaitais-tu tout de suite t’orienter vers une spécialité équine ? Combien y-a t-il de spécialités ?
Adélaïde Alexandre : Oui tout à fait, j’ai eu la chance d’avoir l’opportunité de trouver un poste dans la continuité de mon internat qui corresponde à mon choix d’orientation, à savoir l’orthopédie. Au début, je voulais être vétérinaire toutes espèces, soigner tous les animaux… et puis je me suis rendu compte que si je voulais aller au fond du fond des choses il fallait que je m’oriente vers une espèce, et tout naturellement je me suis tournée vers les chevaux. Plusieurs grandes spécialités se distinguent encore même au sein d’une même espèce. En médecine équine, on différencie : la médecine interne (tout problème médical d’ordre digestif, respiratoire, cardiaque, ophtalmologique, dermatologique…), la chirurgie, l’anesthésie et l’orthopédie. Je pratique au quotidien les deux dernières, assurant des gardes d’anesthésie et consultant essentiellement sur des problèmes d’ordre locomoteur (boiterie, contre-performance…). A terme mon idéal serait de pouvoir faire de la médecine sportive, le suivi du cheval athlète est vraiment quelque chose qui me passionne, certainement là encore parce que mes poneys fantastiques m’ont permis de goûter au haut niveau !

PA : Peux-tu nous détailler un peu plus le service d’orthopédie équine de l’école vétérinaire de Nantes (ONIRIS) ?
AA : En 2016, nous avons développé avec le Dr. Dallongeville, un service de rééducation fonctionnelle au sein de la clinique équine. L’objectif est de permettre aux chevaux que nous soignons suite à un problème d’ordre locomoteur, de réapprendre à se servir correctement de leur corps pour fonctionner harmonieusement et se protéger de nouvelles lésions. Dans ce cadre, je suis amenée à travailler quotidiennement un ou deux chevaux à la longe, aux longues rênes ou même monté sur le plat. Ce concept est assez novateur et au carrefour entre le côté cavalier et le côté vétérinaire. C’est très, très intéressant car on peut suivre au jour le jour l’évolution des chevaux et nous savons bien qu’aujourd’hui beaucoup de cavaliers n’ont malheureusement pas le temps de s’occuper pleinement de chevaux convalescents, tant leur rythme de travail est intense. C’est un service qui est proposé et qui je dois le dire me passionne, car il réunit deux domaines de compétences qui me tiennent à cœur !

PA : Il y a un numerus clausus en médecine vétérinaire : combien y a-t-il de places ?
AA : Au moment où j’ai intégré l’école, il y avait environ 100 places par école soit 400 places au total, pour plus de 2000 élèves présentant le concours si je ne me trompe pas. En 2016, le numérus clausus devait approcher les 500 élèves toutes écoles confondues.

PA : Qu’est-ce que la thèse et qu’as-tu choisi comme sujet ?
AA : La thèse correspond à un projet d’étude (expérimental ou rétrospectif) visant à faire le point sur un sujet donné. Le sujet est au libre choix de l’étudiant (à l’issue de son année d’approfondissement, l’étudiant soutient une thèse de Doctorat Vétérinaire qui lui donne le titre de Docteur Vétérinaire, ndlr). Depuis toujours passionnée par la locomotion du cheval, j’ai fait ma thèse en collaboration avec le Dr. Cousty de la Clinique Equine de Livet et le Dr. Tessier (chirurgien et urgentiste au CISCO) sur les protocoles de réhabilitation suite à une tendinite chez le trotteur.

PA : Qu’est ce que le résidanat ?
AA : Un résidanat, c’est une formation préparatoire (sur 3 à 6 ans) permettant de passer un examen Européen ou Américain de spécialiste (aussi appelé Board). En médecine équine, il en existe à l’heure actuelle 2 principaux : l’ECVS (European College of Veterinary Surgeons ou équivalent ACVS pour American…) qui est un diplôme de spécialiste en chirurgie équine et l’ECEIM (European College of Equine Internal Medicine ou ACVIM pour American College of Veterinary Internal Medicine) qui est un diplôme de médecine interne. A cela s’ajoute un diplôme de médecine sportive, mais qui n’existe à l’heure actuelle qu’aux Etats-Unis, l’ACVSMR (American College of Veterinary Sport Medicine and Rehabilitation) axé sur les pathologies locomotrices, le suivi sportif et la réhabilitation. J’ai eu la chance de pouvoir travailler au quotidien avec le Pr. Geffroy qui est récemment diplômé de ce Collège (en plus de celui de chirurgie !). Dans tous les cas c’est un diplôme très exigeant qui demande beaucoup de sacrifices et un travail acharné !

PA : Quelle est la différence entre le DESV (diplôme d’études spécialisées vétérinaires) et le DEVS (diplôme européen de vétérinaire spécialiste) ?
AA : Le DESV est un diplôme français qui reconnait les qualités et les compétences d’un vétérinaire dans un domaine donné (l’ophtalmologie par exemple). Les DEVS (ou DAVS par analogie américaine) sont des diplômes internationaux qui sont obtenus suite à un résidanat et à un examen ; les exigences y sont supérieures.

PA : Comment expliques-tu le fait que bon nombre d’étudiants français partent à l’étranger suivre leurs études, notamment en Belgique ?
AA : Je pense que la prépa effraye (à juste titre je dois dire). En Belgique, il n’y a pas de classe préparatoire mais des examens chaque année, un peu comme en médecine en France. C’est une sorte de contrôle continu et non pas un concours. Mais si la « fuite » vers la Belgique a été très importante pendant un moment, c’est aujourd’hui beaucoup plus compliqué avec un nombre de places restreint pour les étudiants étrangers.

PA : Que répondrais-tu à l’affirmation « en Belgique, c’est plus facile » ?
AA : Il n’y a pas de plus facile ou plus difficile qui vaillent ! Je ne peux pas juger, je ne connais que le système français. C’est différent, et je pense que cette affirmation vient du fait qu’il n’y ait pas de prépa avant d’intégrer l’école mais plutôt cette « entrée libre ». Mais je ne pense sincèrement pas que ce soit plus facile dans un pays ou dans un autre.

Adelaïde Alexandre avec l'étalon Fricotin au CSIP de Fontainbleau en 2002 - photo Pauline Bernuchon
Adelaïde Alexandre en selle sur l’étalon Fricotin lors du CSIP de Fontainebleau il y a presque 20 ans – ph. Poney As

PA : Avec cet emploi du temps hyper chargé, comment as-tu concilié études et équitation ? Montes-tu d’ailleurs encore à cheval ?
AA : Oui. J’ai l’immense chance d’avoir les infrastructures familiales à disposition (ou presque) le week-end et que ma maman (qui ne monte plus en compétition mais continue à monter beaucoup et à former de jeunes chevaux) travaille les chevaux la semaine. J’ai vraiment levé le pied en classes préparatoires, ça a été un moment difficile, il fallait quitter la maison, les chevaux, la famille pour travailler dur en semaine et jusqu’au samedi midi où nous avions des devoirs sur table quotidiens de 8h à 12h pour finir la semaine en beauté… et travailler encore le week-end pour ne pas prendre de retard pour la semaine à venir. A ce moment-là, il ne m’était pas possible de continuer à sortir en concours. J’avais deux créneaux de liberté dans ma semaine où je venais monter le samedi soir après 19h et le dimanche idem, le reste du temps c’était du bachotage ! Si c’était à refaire ? Je ne sais pas ? Avec la certitude d’avoir au bout le concours, oui, peut-être mais alors il faudrait que ce soit une vraie certitude ! Après la prépa, j’ai repris progressivement. Je ne pensais pas, mais c’est difficile de retrouver un « équivalent » au niveau antérieur. J’ai d’abord remis une ponette au travail, la sœur de Guindy, Lilanga, à qui je dois beaucoup car elle a su me redonner confiance. A chaque fois quasiment qu’elle sortait, elle était aux prix, mais par respect pour elle je n’ai jamais voulu la faire forcer, c’est une très bonne ponette pour des épreuves à 1,05 / 1,10 m, alors c’est vrai que quand on a eu la chance de toucher un peu au haut niveau ça ne vous satisfait pas pleinement de ne courir « que » des épreuves Amateur 2. Mais par ma situation familiale, j’ai la chance d’avoir plusieurs bons produits de l’élevage et en particulier deux juments (deux sœurs : Sirenaïka Blue et Quira Blue) avec lesquelles j’ai de bons résultats en Amateur 1 et Amateur Elite. J’ai eu en 2015 (au cours de mon année d’internat) jusqu’à 8 chevaux au travail le week-end et en concours !

PA : Et aujourd’hui (c’est-à-dire en 2016, année de notre entretien avec Adélaïde, ndlr) ?
AA : Avec ce poste d’assistant hospitalier en orthopédie au CISCO, j’ai la chance de pouvoir continuer à apprendre entourée de nombreux spécialistes, de progresser en orthopédie entourée du Pr. Olivier Geffroy, du Dr. Emilie Dallongeville et du Dr. Carine Tahier, et d’assurer des gardes « tout venant » et d’anesthésie le week-end. Mes journées sont bien remplies, entre consultations, quelques exercices d’enseignement et les soins aux chevaux hospitalisés, mais néanmoins je ne suis de garde qu’un week-end sur 3 en moyenne. Cela me laisse l’opportunité de rentrer sur Alençon le reste du temps et me permet de continuer à monter très régulièrement. J’ai décidé cette année de vraiment mettre l’accent sur la progression de mes deux juments Sirenaïka et Quira et de former progressivement deux autres chevaux pour la relève. Mon objectif ? Réussir à reformer un couple vraiment performant pour aller faire quelques beaux CSI Amateurs. Quand on a goûté aux CSI, on a envie d’y revenir !

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