La race Welsh reprend progressivement du galon en France, mais comme son élevage hexagonal ne compte pas encore sur l’échiquier international, il est bon de retourner aux sources de ce célèbre poney gallois. Rien de mieux pour ce faire que d’assister au spectaculaire Royal Welsh Show dont c’était cette année la 100e édition, qui s’est tenue du 22 au 25 juillet, dans les installations de Builth Wells comme d’habitude.
La race Welsh, qui a connu de belles heures de gloire en France dans les années 70 avec des élevages de B et de D ainsi que des étalons qui ont compté dans le paysage hexagonal et ont également œuvré pour notre poney de croisement, le Poney Français de Selle, n’a cessé de perdre de la vitesse depuis lors. Si sous la houlette de la Présidente actuelle de l’Association Française du Poney et Cob Welsh Ingrid Delaître, le livre généalogique français reprend en ce moment de la vigueur, grâce notamment à la section part-bred, mais pas que, son ampleur est sans commune mesure avec celle de l’association mère, la Welsh Pony and Cob Society, et celle d’autres pays comme les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Australie.
Car, encore davantage que le poney Connemara, si célèbre et actif en France, le poney Welsh, la plus ancienne race et le plus grande en termes de population des races natives britanniques, dont le Connemara fait partie ne l’oublions pas, a donné lieu à une littérature abondante, internationale, et régulièrement mise à jour et renouvelée, et la race compte un nombre d’aficiondos considérable à l’échelle de la planète. Ses experts et influenceurs sont évidemment respectés et admirés à travers toute cette communauté mondiale.
Si en France nous avons élevé ce poney comme tous les autres avec une vocation sportive, les gallois l’élèvent résolument pour le show, ce qui n’empêche pas de nombreux poneys Welsh britanniques de s’exprimer en sport de la plus belle des manières, le plus bel exemple étant bien entendu celui de Machno Carwyn en CSO.
Mais qu’entend-on par show ? La plupart des éleveurs de poney de sport français envisagerait cette activité à la limite du mépris, le voyant comme un « concours bout de longe ». En réalité, il faut rappeler que le poney Welsh compte 5 sections : le Welsh Mountain ou section A, le Welsh Pony ou section B, le Welsh de type Cob, ou section C, le Welsh Cob, ou section D, chacune avec ses caractéristiques de taille et de type, et enfin le Welsh part-bred qui peut être un cheval ou un poney et qui doit avoir 12.5% de sang pur Welsh ; notons que les Pays-Bas ont inventé une section bien à eux, celle anciennement appelée Welsh K et depuis plusieurs années, Poney de Selle Welsh Néerlandais, qui est un type de poney assez fixé, mélange majoritairement de Pur-sang et de Welsh A et B ; ce poney, reconnu pour son look, l’étendue de ses rayons qui le fait ressembler à un petit cheval, ainsi que la qualité de ses allures, a d’ailleurs une influence sur le Poney de Selle Allemand. Ainsi, dans ces concours de modèle et allures, il s’agit de récompenser le meilleur type Welsh, le meilleur modèle et la meilleure locomotion au pas et surtout au trot. Rentrons un peu dans le détail de ces caractéristiques recherchées par les juges. Quand l’une des trois caractéristiques est générale, la qualité du modèle de n’importe quel cheval ou poney (qualité des pieds, sortie, longueur et orientation de l’encolure, qualité du squelette, longueur et angle de l’épaule, solidité du dos, longueur de la croupe, angle et force des jarrets), les deux autres sont en revanche typiquement Welsh : le type se réfère à un corps fort et musclé… et naturellement un peu gras, des fanons fournis et une tête petite avec des grands yeux foncés, des petites oreilles, une attache de queue haute et une certaine épaisseur – c’est ce point, qui permet de conserver au poney Welsh l’image de plus joli poney du monde et qui est sujet à interprétation, polémiques et controverses au sein même du groupe des grands experts de la race (et il faut en être un pour juger très justement de la qualité du type d’un poney Welsh) ; enfin la locomotion qui doit être puissante, active, avec des allures relevées héritées du sang Hackney et respirant ce fameux « spirit and fire » (en gros, une attitude volontaire et bouillonnante).
Nous ne pouvons pas ne pas évoquer un des plus gros problèmes morphologiques des quatre sections de la race : celui de la faiblesse du dos, souvent creux voire très creux, ce qui ne semble malheureusement pas gêner les juges d’aujourd’hui. Cet écueil fait l’objet d’une prise de conscience de la part de quelques éleveurs, qui ne constituent sans doute pas la majorité. Par ailleurs, les allures, sélectionnées uniquement sur le pas et surtout sur le trot et non pas sur l’allure principale pour le sport, le galop, pourraient être bien plus spectaculaires pour les meilleurs sujets de la race.
Le circuit des shows, égrène de très nombreux concours à travers tout le Royaume-Uni, d’ailleurs qualificatifs pour le National qui lui a lieu 15 jours après le Royal Welsh Show, mais ce dernier reste le plus gros et le plus prestigieux concours au monde, auquel il n’est pourtant pas nécessaire de se qualifier. Ce circuit nécessite une préparation dès l’hiver, avec des animaux choyés au box comme des petits joyaux et des préparateurs ultraspécialisés qui entraînent et présentent les poneys et Cobs pour le compte d’éleveurs et propriétaires, quand ces derniers n’ont pas la compétence de le faire eux-mêmes.
Le Royal Welsh Show, ou Sioe Frenhinol Cymru en Gallois, prend ainsi place chaque années à Builth Wells, petite bourgade galloise située sur les bords du Wye, dans le comté de Powys, au Nord de Cardiff dont elle est à une heure et demi de voiture. Le RWS, c’est la plus grande foire agricole extérieure d’Europe, avec ses 250 000 spectateurs sur quatre jours à 25 livres sterling l’entrée, 22 000 véhicules garés chaque jour, 8 000 chevaux et poneys, 90 hectares (sans les parkings qui doublent la surface), 9 carrières en plus de la carrière principale entourée de superbes montagnes galloises, 1200 stands d’équipements agricoles, d’animaux, de nourriture, de matériel de toute sortes, et ses concours de moutons, de bovins, de caprins, de cochons, de poules, du meilleur miel, de la meringue la plus réussie etc, sans oublier de très diverses animations et spectacles en tous genres. Pour le clou du spectacle le dernier jour, le show des étalons Welsh Cobs et le championnat suprême Welsh, les tribunes sont pleines de 4000 fanatiques… et on en compte sûrement autant autours du ring.
Un pavillon international accueille pendant la manifestation tous les visiteurs étrangers qui ont un accès gratuit et exclusif à une grande salle avec terrasse où ils peuvent se restaurer à volonté.
La famille royale britannique ne manque généralement pas de se déplacer à cet événement annuel et pour cette édition, ce furent le Prince Charles et sa femme Camilla qui sont apparus le jour de l’ouverture de la manifestation. Notre Président Emmanuel Macron était même également attendu, invité par Theresa May, avant que celle-ci ne démissionne de sa fonction de Premier Ministre Britannique…
Chaque section est jugée par sexe et classe d’âge : les foals mâles d’un côté et femelles de l’autre, les 1 an mâles et femelles, les 2 ans mâles et femelles, les 3 ans mâles et femelles, les femelles non suitées et hongres de 4 ans et plus, les poulinières suitées juniors (entre 4 et 7 ans), les poulinières suitées seniors (à partir de 8 ans), les étalons juniors (entre 4 et 7 ans) et enfin les étalons séniors étalons (de 4 ans et plus), sauf chez les B où les étalons ne sont pas séparés entre Juniors et Séniors . Pour donner un exemple de participation, la classe des Welsh A de femelles de 1 an compte en moyenne 80 engagées. Ensuite, chaque section a son championnat : le championnat des jeunes, mâles et femelles confondus, le championnat mâles et femelle et le championnat suprême de la section. Enfin, le championnat suprême consacre le meilleur sujet toutes catégories et sections confondues.
Une éleveuse française s’est fait remarquer de nouveau cette année par des résultats particulièrement brillants quand on sait le niveau de sélection et de qualité des animaux présentés à Builth Wells. Il s’agit de la Présidente de l’association française de la race Ingrid Delaître qui a remporté la classe des femelles de 2 ans Welsh B avec Tea Time de l’Aurore (par Heniarth Tintagel et Heniarth Thingumajig par Rhoson Shem), et a classé 2e des étalons Welsh B son bel étalon gris de 9 ans Adagio de l’Aurore (par Heniarth Woodwind et Etincelle Ravignan par Kirby Cane Statecraft), derrière le champion des Welsh B.
Mentionnons enfin qu’un concours international de la race a lieu tous les deux ans. Cette année, sous la pression d’une vigoureuse communauté d’éleveurs australiens qui se déplace inlassablement à Builth Wells fin juillet, il a été décidé il y a deux ans que le concours international se déroulerait pour la première fois au Parc Olympique de Sydney : ce sera en novembre prochain, les 23 et 24. Dans cette optique, des éleveurs britanniques sont même allés jusqu’à acheter et également faire naître en Australie, importateur de nombreux sujets de très grande qualité, étant donné le coût du transport d’Europe à l’autre bout de l’hémisphère prohibitif pour simplement présenter des poneys en show. Et si l’Allemagne sera le pays hôte à Aix-la-Chapelle du concours suivant, ce sera la France qui accueillera à Deauville en 2023 cet international. D’ici là, prochain évènement important à Builth Wells : les ventes aux enchères d’automne, où de nombreuses belles affaires sont monnaies courantes, les 19 et 20 octobre pour les sections A et les B et les 1er, 2 et 3 novembre pour les sections C et les D.
Guillaume Levesque