Retour à la liste d'articles Article du 27/08/2020

Emeric George : « il n’y a pas mieux que l’équitation à poney pour apprendre et progresser »

Né d’une famille de cavaliers amateurs très avertis et passionnés, Emeric George a croisé la route des chevaux dès son plus jeune âge. Initialement orienté vers le Concours Complet mais très connu du saut d’obstacles, le cavalier Picard a gravi les échelons d’abord à poney puis à cheval avant de sauter dans le grand bain des CSI 5* en 2015. Le 230e mondial s’est d’ailleurs professionnalisé depuis peu. Il revient avec Poney As sur son parcours.

Emeric George et Caline de la Ferme lors des championnats d'Europe de Lanaken en 2002 - ph. coll. privée
Emeric George et Caline de la Ferme lors des championnats d’Europe de Lanaken en 2002 – ph. coll. privée

Poney As : Comment as-tu débuté l’équitation ?
Emeric George : Mon père vétérinaire équin et cavalier amateur m’a mis à poney dès l’âge de 4 ans. J’ai débuté la compétition à 7 ans avec un Connemara, Ard Shane, initialement mis à la retraite et qui avait participé au championnat d’Europe de Concours Complet avec la femme d’Eddy Sans. Il connaissait très bien son travail. Puis, j’ai eu assez vite d’autres poneys afin de faire D2/D1, et j’ai commencé les Grands Prix. À cette époque, Marc Hardy était client de la clinique de mon père, grâce à lui j’ai récupéré Caline de la Ferme en 2001.

Poney As : Comment as-tu vécu tes premières sélections internationales ?
E. G : Ça reste un souvenir fort pour moi. Je n’avais que 12 ou 13 ans. Avoir le coq sur ma veste était très impressionnant : l’équipe de France me faisait rêver. Le fait de pouvoir accéder à ces compétitions me donnait l’impression de pouvoir faire comme les grands. J’ai participé à trois championnats d’Europe : en 2002 à Lanaken, en 2003 à Necarne Castle (4e du championnat par équipe, ndlr) avec Caline de la Ferme et en 2004 à Jaszkowo avec Citadelle du Buhot.

Emeric et Caline, toujours sur ce même championnat. Celui-ci signait la première sélection à ce niveau du cavalier Picard - ph. coll. privée
Emeric et Caline, toujours sur ce même championnat. Celui-ci signait la première sélection à ce niveau du cavalier Picard – ph. coll. privée

Poney As : Que retiens-tu de tes années à poney ?
E.G : Participer à des concours internationaux, se confronter à des cavaliers étrangers, voyager et monter des Coupes des nations le plus tôt possible dans sa vie est une chance. Plus nous avons la possibilité d’y accéder jeune, mieux est pour l’apprentissage puisque tout est organisé comme les compétitions réservées aux chevaux. J’ai toujours considéré, et encore aujourd’hui, qu’il n’y a pas mieux que l’équitation à poney pour apprendre et progresser. Également, j’estime, pour une question de gabarit et d’âge, que le cavalier n’est pas apte si jeune à maitriser un cheval. Lorsqu’on regarde le circuit Enfants, les cavaliers montent bien mais ce sont souvent des chevaux déclassés, expérimentés et très dressés. Lorsqu’on voit la différence physique entre un enfant et un cheval, un jeune cavalier est bien mieux à poney pour apprendre, ce ne sont en réalité que des petits chevaux. Pour moi, c’est l’apprentissage d’une bonne équitation, cela permet à l’enfant de pouvoir monter et piloter, ce qui n’est pas forcément le cas à cheval à cette âge-là. À la différence, un poney a une agilité, une adresse et une capacité à accepter les erreurs de son cavalier, il est d’une manière générale bien plus tolérant ce qui lui permet d’apprendre. Tout en ressemblant au cheval, pour moi le poney a plus de qualités.

C'est aussi en signant de très bons résultats avec Caline de la Ferme, puis Citadelle du Buhot, qu'Emeric George s'est fait remarquer par Marcel Delestre, alors sélectionneur national de l'équipe de France Poneys - ph. coll. privée
C’est aussi en signant de très bons résultats avec Caline de la Ferme, puis Citadelle du Buhot, qu’Emeric George s’est fait remarquer par Marcel Delestre, alors sélectionneur national de l’équipe de France Poneys – ph. coll. privée

Poney As : Tu as suivi tout le circuit Jeunes en participant à chaque échéance européenne. Comment peux-tu les résumer ?
E.G : J’ai énormément grandi lors de mes années à poney, je n’ai pas pu terminer ma dernière année internationale avec eux. Mon physique m’a fait faire ma transition à cheval à 15 ans. Grâce à mon parcours à poney, j’ai été repéré par Marcel Delestre qui était entraineur national. Puis, je me suis fait confier un étalon des Haras Nationaux, Fou Tchin Trevira, avec qui, par la suite, j’ai participé à trois championnats d’Europe Juniors. Disons que d’un point de vue technique, ces premières années m’ont permis d’apprendre à monter à poney puis à cheval, de ressentir les sensations. En termes d’expérience et de vécu sportif, j’ai pu accéder à des compétitions incroyables, monter d’importants championnats et courir des Coupes des nations tout en apprenant à gérer la pression. En visibilité, j’ai pu avoir de belles opportunités en commençant très tôt. On peut entendre dire qu’à poney, on voit de tout et n’importe quoi. Je trouve cela faux mais en toute objectivité je pense que le monde du poney a encore besoin d’évoluer dans l’encadrement et de se professionnaliser. Effectivement, je pense que certains enseignants ne sont pas assez compétents et qualifiés. Mais, le poney en tant que support d’apprentissage est essentiel dans un parcours, du moins dans le mien il l’a été, c’est une certitude. Bien sûr, s’il est mal utilisé, cela peut entrainer des dérives mais à cheval aussi, tout est lié à l’encadrement !

Petit échantillon de photos de l'époque d'Emeric George et Citadelle du Buhot. Les années 2003 et 2004 du couple - ph. Poney As
Petit échantillon de photos de l’époque d’Emeric George et Citadelle du Buhot. Les années 2003 et 2004 du couple – ph. Poney As

Poney As : En parallèle des chevaux, tu as poursuivi un cursus normal allant jusqu’à un BAC S à des études supérieures. Comment s’organise-t-on lorsque qu’on est jeune ?
E.G : Je n’étais pas fils de professionnel, mais j’ai eu cette chance d’avoir mes équidés chez moi. Les poneys sont toujours restés un plus car mes parents m’ont très tôt orienté sur le fait qu’être cavalier est un métier difficile et qu’il valait mieux assurer ses arrières. Le poney a toujours eu sa place à condition que les résultats suivent et non l’inverse. Je montais tous les jours car mes poneys étaient déjà sur place. Lorsque je partais en compétition sur plusieurs jours, j’arrivais à rattraper mes cours : il suffit d’une bonne organisation. J’ai fait les concours que j’ai souhaité sans être pénalisé scolairement parlant.

Poney As : Né dans une famille plus orientée vers le Concours Complet, pourquoi avoir décidé de t’orienter pleinement vers le saut d’obstacles ?
E.G : Le Concours Complet était autant la discipline de mon père que d’Ard Shane. Mais mes parents préféraient que j’apprenne à monter à l’obstacle avant d’être lancé sur un cross. L’idée a d’abord été de faire du saut d’obstacles et une fois plus aguerri, de faire du Concours Complet. Finalement, ce n’est jamais venu car ça s’est très bien passé en CSO avec mes premières sélections, les championnats d’Europe, avant de rebondir à cheval toujours dans cette discipline. Il n’y a que lorsque je suis passé en Jeunes Séniors que je m’y suis tourné car j’ai eu un creux avec mes chevaux de concours : il a fallu que je les forme (le cavalier a d’ailleurs participé au CCIO4*-S d’Houghton en Grande-Bretagne et Fontainebleau avec P’tite Bombe en 2012 et 2013, ndlr).

Elles sont loin les années poneys ! Emeric trace désormais sa route en CCE chevaux - ph. Camille Kirmann
Emeric George sur le cross du CIC*** de Marbach, en 2013. Le cavalier a atteint le haut niveau dans les deux disciplines ! – ph. Poney As

Poney As : Comment s’est passé ton premier CSI 5* et ta première Coupe des nations en Séniors ?
E.G : Mon premier CSI 5* a été au Jumping de Dinard en 2015 avec Rocco Socco et Rocker d’Ysieux qui est l’un des plus gros concours français. On change de chapitre ! (En parallèle de ces épreuves, le pilote formait Chopin des Hayettes sur les CSI Jeunes Chevaux, ndlr). Le niveau 5* est une marche très haute : le plus haut niveau mondial. J’ai un très bon souvenir de ce concours avec différents classements et ce, avec mes chevaux que j’avais formé moi-même depuis l’âge de 4 ans. Cela était une satisfaction en plus ! Mais, la petite claque qu’on prend lorsqu’on court son premier CSI 5* est le niveau de compétitivité des cavaliers, la vitesse et la difficulté technique des épreuves. Au-delà du plaisir que j’ai pris à y participer, j’ai vraiment été interpellé par le niveau de professionnalisme et d’exigences que ce niveau-là implique. Par la suite, j’ai pris le départ à environ 3 à 6 CSI 5* par an et je me suis rendu compte que c’est ce niveau qu’il faut avoir pour obtenir une sélection, mais surtout de s’y maintenir. J’ai d’abord été à Bratislava en Slovaquie en tant que réserviste du CSIO3*, mais ma première Coupe des nations a été particulière. Elle se déroulait au Brésil, à Porto Alegre, en 2014 pour le CSIO 4* avec Rocker d’Ysieux. C’était la première fois que je prenais l’avion avec mon cheval, le concours était magnifique et très bien organisé ! Nous sommes troisièmes de la Coupe des nations à seulement trois cavaliers dans l’équipe. Puis, je me suis classé dixième du Grand Prix.

Photo : Emeric George et Chopin des Hayettes lors du Grand Prix CSI 4-W de Tétouan à l’occasion du Morocco Royal Tour, tournée très appréciée du cavalier. Le duo termine deuxième de cette épreuve – ph. La Petite'L / Léa Tchilinguirian
Emeric George et Chopin des Hayettes lors du Grand Prix du CSI 4-W de Tétouan à l’occasion du Morocco Royal Tour, tournée très appréciée du cavalier. Le duo termine deuxième de cette épreuve – ph. La Petite’L / Léa Tchilinguirian

Poney As : Quels sont tes objectifs à venir ?
E.G : Je me suis professionnalisé depuis moins d’un an. J’ai beaucoup de jeunes chevaux de 7 et 8 ans que je dois emmener au haut niveau donc je suis davantage dans la formation. Je participe au circuit du Grand National avec eux. L’année prochaine, j’aimerais repartir avec mon cheval de tête Chopin des Hayettes faire des concours majeurs, s’ils ont lieu.

Propos recueillis par Léa Tchilinguirian